Une étude menée au Québec sur l’utilisation des tableaux blancs interactifs, diffusés à large échelle dans la Belle Province, provoque de nombreux débats, au Canada et en France. Les résultats de l’étude, menée auprès de 11 683 élèves et de 1131 enseignants, sont en effet très décevants.
Le Café Pédagogique : La chute de la maison TBI
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/03/01032016Article635924150884400862.aspx;
Les titres de la presse canadienne sont aussi sévères :
La Presse : Tableaux blancs interactifs dans les écoles: «aucunement réfléchi»
http://www.lapresse.ca/actualites/education/201507/12/01-4884868-tableaux-blancs-interactifs-dans-les-ecoles-aucunement-reflechi.php;
Le Journal de Québec : Bilan mitigé pour les tableaux blancs interactifs dans les écoles
http://www.journaldequebec.com/2016/02/18/bilan-mitige-pour-les-tableaux-blancs-interactifs-dans-les-ecoles
Selon l’auteur de l’étude, Thierry Karsenty, ce plan d’équipement ambitieux, lancé en 2011 et destiné à installer 40 000 tableaux numériques pour un budget de 240 millions de dollars, débouche, 4 ans plus tard, sur un bilan décevant. Les TBI sont très peu utilisés par 52% des enseignants interrogés (13% jamais, 39% rarement). Et quand ils l’utilisent, c’est principalement comme projecteur électronique, très rarement pour ses fonctions interactives (1,4%). Les TBI sont très peu utilisés par les élèves (4% des enseignants).
Sans surprise, dès lors, la grande majorité des enseignants considèrent que le TBI n’a pas d’effet positif sur les apprentissages réalisés par les enfants.
L’auteur avance plusieurs explications de ce bilan :
- Les TBI sont jugés complexes à mettre en œuvre, et les problèmes techniques requièrent des interventions fréquentes des techniciens.
- Les enseignants n’ont pas été suffisamment formés aux utilisations pédagogiques de ces TBI.
- Le programme a été lancé sans concertation sérieuse avec les enseignants, qui l’ont vécu comme un changement imposé, et cela a induit une résistance forte chez une part d’entre eux.
De tels programmes d’équipement massif ont été lancés dans de nombreux pays; sont-ils toujours voués à l’échec? Non sans doute, mais il est important de respecter quelques règles de conduite :
- Ne pas considérer qu’un équipement technologique va créer de la valeur par sa seule présence; la valeur, en l’occurrence l’accroissement de la qualité des apprentissages, ne pourra résulter que des usages raisonnés des technologies; l’usage crée la valeur.
- Prévoir d’entrée de jeu que l’implantation de technologies numériques va faire surgir le besoin de nouvelles compétences dans le personnel des écoles : maintenance préventive et curative, entretien… Il n’est pas raisonnable de tout laisser peser sur les épaules des enseignants, c’est depuis longtemps la meilleure technique pour décourager les meilleures volontés (les enseignants qui, il y a 30 ans, se sont battus avec les magnétoscopes dont on avait égaré les câbles ou les télécommandes me comprendront…)
- La formation des enseignants devra viser à créer des utilisateurs confiants en leur capacité de mise en œuvre, mais aussi donner des orientations fortes sur les résultats pédagogiques que l’on veut atteindre et donc sur les usages préconisés. Et on touche ici à un des aspects les plus délicats : la conduite du changement dans nos institutions éducatives. On n’impose pas des méthodes aux enseignants, toujours soucieux de préserver une part de leur indépendance académique; on analyse avec eux les points à améliorer dans la performance de leurs élèves et dans leurs pratiques, on les amène progressivement à poser des diagnostics, à définir des axes de progrès, et on peut alors analyser avec eux la manière dont le numérique peut répondre à leurs besoins.
- Cette route est plus longue, mais c’est le chemin pour passer de changements pilotés par les technologies à des changements pilotés par la pédagogie, par les objectifs éducatifs.
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